Si ce sont des hommes…

Médecins de la mort au Struthof

de Serge Janouin-Benanti

Si ce sont des hommes
3,99 € en e-book, chez 3E éditions

Le Struthof

Le Natzweiler-Struthof, nom méconnu, nom redoutable, celui du camp de concentration alsacien, où les nazis exterminèrent des milliers d’innocents.

Conformément à des plans bien préparés, les mesures hitlériennes s’appliquèrent rapidement quand l’armée allemande occupa l’Alsace-Lorraine… Avec la complicité des nazis alsaciens-lorrains, le camp de concentration de Natzweiler-Struthof fut ouvert. Des scientifiques nazis, comme Eugen Haagen, Otto Bickenbach et August Hirt y commencèrent leurs criminelles expérimentations sur les détenus.

Heinrich Himmler se vantait qu’au camp de Natzweiler-Struthof on entrait dans le silence et après on disparaissait. Personne pour se plaindre, personne pour réclamer… Nuit et Brouillard.

Plus tard, dans son ordonnance du 7 décembre 1941, le maréchal allemand, Keitel, expliquait : « On ne peut obtenir un effet d’intimidation véritablement efficace et durable qu’en appliquant la peine de mort ou en employant des mesures telles que ni ses parents ni la population ne connaissent le sort du criminel. »

Nuit et brouillard, Nacht und Nebel, nom de code pour l’opération de suppression des opposants en pays occupés… C’est ainsi que disparurent des milliers de personnes, venues de tous horizons, des Juifs, des Tziganes, des politiques, des syndicalistes, des homosexuels…

Le Pr August Hirt et sa collection de crânes

Auprès du professeur émérite August Hirt, enseignant à l’Université de Strasbourg, les idées du Führer faisaient leur chemin. Hirt était capitaine dans la SS, c’était un ami d’Heinrich Himmler qu’il avait maintes fois rencontré. Hitler voulait la disparition des Juifs de la surface de la Terre, August Hirt approuvait. Comme disait le cher professeur, « Pour sauver un Allemand, je suis prêt à sacrifier un millier de sous-hommes ». Bien sûr, il applaudit les décisions de la conférence de Wannsee du 20 janvier 1942, où les dignitaires nazis officialisèrent la solution finale : l’élimination de tous les Juifs présents sur le Grand Reich. Le professeur Hirt s’indignait de ne pas avoir de crânes juifs, dans son musée, alors que, disait-il, il regorgeait de crânes de singes, de sauvages des cinq continents, de nègres, d’Arabes, de Chinois, de Japonais… Aurait-il assez de temps pour en avoir ?… Le Reichsführer-SS lui avait parlé d’une capacité d’extermination d’un million et demi de personnes par an à Auschwitz. S’il y avait dix camps comme celui-là, en moins d’un an il était possible de faire disparaître tous les Juifs. Heinrich Himmler venait de lui laisser entendre que l’extermination industrielle était en place depuis près d’un an ; peut-être qu’il ne restait déjà plus que quelques Juifs ? Probablement aussi que les plus beaux spécimens étaient déjà réduits en cendres. Fort de tout cela, le Pr Hirt se dit qu’il devenait urgent de faire son marché.

À cette fin, le bon professeur envoya l’anthropologue et capitaine SS Bruno Beger au camp d’extermination d’Auschwitz, muni d’une lettre de recommandation d’Adolf Eichmann, le lieutenant-colonel des SS responsable des Affaires juives.

Le commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss, présenta à Beger le fonctionnement du camp : « Une fois la sélection faite par les médecins SS, les détenus valides sont emmenés vers les baraquements et sont affectés au travail. Les autres, ceux qui subissent le traitement spécial, sont dirigés vers une chambre à gaz. J’en ai quatre qui fonctionnent actuellement… Au début du camp, on exécutait les détenus d’une balle dans la tête. Ça prenait un temps fou pour tuer quelques centaines de personnes et je ne vous parle pas du coût des munitions ! Après avoir inspecté le camp de Treblinka, j’ai copié leur système d’asphyxie par les gaz d’échappement. C’était plus économique, on pouvait gazer des dizaines de personnes à la fois, seulement ça prenait toujours autant de temps. J’ai bien essayé de raccourcir le délai, malheureusement la dose était insuffisante, beaucoup se réveillaient alors qu’on les enterrait. C’est moi et mon adjoint qui avons eu l’idée d’employer le pesticide qu’on utilisait pour le déverminage, le zyklon B. ; le produit s’est révélé d’une efficacité remarquable. Le Reichsführer-SS, qui a assisté à un gazage de Juifs hollandais en juillet 1942, a été très impressionné. Il m’a promu lieutenant-colonel-SS. »

Dans le camp d’Auschwitz, Bruno Beger sélectionna ses futures victimes, de vrais Juifs pour avoir de vrais crânes juifs pour la précieuse collection. Il ramena les futures victimes au camp de Natzweiler-Struthof…

L’aspirant au prix Nobel de médecine, le Pr Eugen Haagen

Le collègue du professeur Hirt, Eugen Haagen, était, lui aussi, un nazi convaincu. Il avait fait de la propagande pour Hitler à travers les USA. Le Pr Haagen était reconnu mondialement pour ses travaux sur les virus et la vaccination. À son retour d’Amérique, il avait adhéré au Parti nazi en 1937. Comme disait Heinrich Himmler, « C’est un Aryen de pure souche, il n’y a aucune contamination juive en lui depuis plus de trois générations ! On peut lui ouvrir les portes du Struthof ! »… Et on les lui ouvrit !

Pour ses expériences, le Pr Haagen voulait de préférence des Tziganes, « plus proches génétiquement des Aryens que le juif », disait-il. « Ce sont des morts en sursis, dont personne ne se souviendra… Une race de sous-hommes, moins subversive et dangereuse que le juif. » Il intervint auprès du commandant du camp d’Auschwitz. Le nouveau commandant, Liebehenschel accepta de lui en livrer une centaine, des Sinti et des Roms de nationalité allemande, polonaise, tchèque et hongroise, de sexe masculin, âgés de 11 à 64 ans. Le convoi quitta Auschwitz le 9 novembre 1943, et parvint à Natzweiler-Struthof le 12…

Les médecins nazis pouvaient faire leurs terrifiantes expériences, sans aucune pitié, jusqu’à ce que mort s’ensuive. L’impitoyable Josef Kramer, commandant du camp de Natzweiler-Struthof, leur facilitait la tâche.

La fin de Hirt et les arrestations de Bickenbach et Haagen

À la fin de la guerre, quand les alliés arrivèrent, les professeurs Eugen Haagen, August Hirt et Otto Bichenbach se sauvèrent de Strasbourg pour échapper à la justice.

Le Pr Eugen Haagen fut arrêté par les Américains en avril 1945. Les membres de l’opération Overcast s’intéressèrent à lui, il s’agissait de collecter les informations sur les armes nouvelles découvertes par les nazis. Son interrogatoire terminé, les Américains l’utilisèrent comme témoin à charge dans le procès de Nuremberg. En récompense de sa collaboration, oubliant qu’au nom de ses recherches il avait martyrisé et tué des humains, ils le libérèrent le 15 juin 1946. Les Anglais le rattrapèrent en janvier 1947 et le livrèrent aux autorités françaises qui l’emprisonnèrent.

Le Pr August Hirt, lui, se cacha. Il avait construit sa vie pour entendre des louanges, recevoir des honneurs, être respecté, considéré. N’était-il pas le doyen de la faculté de médecine de Strasbourg ? Le pionnier de la microscopie par fluorescence ? Il était le défenseur de la race, selon le Führer. Si lui était un homme bien, il fallait que les Juifs, les Tziganes et tous les autres prisonniers de Natzweiler-Struthof fussent des sous-hommes. Il fallait qu’ils s’apparentent aux singes… Son Führer avait perdu la guerre, c’était la fin, le monde s’écroulait, on allait retourner à la préhistoire. Il fallait s’en aller dignement… Et dans la forêt où il s’était réfugié, il se tira une balle dans la tête. C’était le samedi 2 juin 1945, il avait 47 ans et avait assassiné des centaines de pauvres hères, qui avaient eu le malheur de le croiser.

Si ce sont des hommes, vous êtes la pire des ordures, si ce sont des hommes, alors vous n’êtes pas un savant, vous êtes un assassin, juste un lâche assassin, Pr Hirt !

Les procès de Metz et Lyon

Après la guerre, le Pr Otto Bickenbach fut arrêté. Il passa en procès. C’est Me Floriot qui défendit ce criminel, en vantant toutes ses prétendues qualités et en oubliant ses crimes.

Les Professeurs Eugen Haagen et Otto Bickenbach furent jugés par le tribunal militaire de Metz en décembre 1952. Les deux se défaussèrent sur Heinrich Himmler, ils recevaient des ordres, ils n’avaient fait que les appliquer.

Le 24 décembre les condamnations tombèrent, avec circonstances atténuantes, non précisées, écartant la peine de mort. Le jugement fut cassé pour vice de forme par le tribunal militaire de Paris, un an plus tard, le 14 janvier 1954. Un second procès militaire s’ouvrit à Lyon en mai pour les deux médecins nazis.

Pour leur défense, ces criminels reçurent l’appui d’éminents personnages, dont celui du Pr Blanc, membre de l’Académie de médecine, directeur de l’Institut Pasteur de Casablanca.

Bien que reconnus coupables, Otto Bickenbach et Eugen Haagen virent leurs peines réduites à 20 ans de travaux forcés. Un an plus tard, ces peines furent abaissées à 10 ans et dans la foulée les deux furent amnistiés le 18 septembre 1955.

Les crimes de ces assassins ne donnèrent finalement qu’une peine bien légère au regard de leurs crimes.

Cela rappelait la phrase d’Hitler dans Mein Kampf :

« Le rôle du plus fort est de dominer et non point de se fondre avec le plus faible, en sacrifiant ainsi sa propre grandeur. Seul le faible de naissance peut trouver cette loi cruelle ».

Pauvres détenus du Struthof, ces braves médecins n’avaient fait que mettre en œuvre les thèses nazies : la destruction de vies dépourvues de valeurs, comme disait le médecin d’Hitler, le Dr Karl Brandt.

Un roman pédagogique et prenant qu’on lit d’une traite

Que s’est-il exactement passé au camp de Natzweiler-Struthof ? Quelles expérimentations ont été faites sur les prisonniers ? Quels ont été les résultats scientifiques obtenus ? Quelles furent les victimes ?… Des noms pour se souvenir, tel est l’objet de « Si ce sont des hommes, médecins de la mort au Struthof » de Serge Janouin-Benanti, aux éditions 3E éditions.

3,99 € en e-book.

Plus qu’un roman, un témoignage bouleversant.

 

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