Ils sont venus pour nous, publié chez 3E éditions, au prix de 4,99 euros en e-book.
En Roumanie, après la Première Guerre mondiale
Avec la montée d’Hitler en Allemagne les pays voisins sont percutés de plein fouet, la Roumanie n’y échappe pas. Le pays est en plein essor économique pour se reconstruire après les ravages de la Première Guerre mondiale.
Dans le pays, c’est un roi qui dirige.
Deux grands courants politiques vont se côtoyer et s’affronter.
L’avocat Corneliu Zelea Codreanu va faire parler de lui. Durant la guerre de 14, il est jeune, mais, à 17 ans, il se porte volontaire pour défendre la patrie en danger. Plus tard, il dira qu’il a été subjugué par ses supérieurs qui, au front, lui inculqueront l’amour de la patrie et le sens du sacrifice. Très vite, il est gagné par les idées d’extrême-droite.
Parallèlement, les ouvriers s’organisent. La Russie est de l’autre côté de la frontière, les idées révolutionnaires font leur chemin dans le monde ouvrier. Olga Bancic, petite ouvrière de 13 ans dans une fabrique de gants, va être touchée. Syndicaliste active, elle se bat pour améliorer les conditions catastrophiques du peuple.
Ana Pauker
Pendant ce temps, Joseph Boczov est lycéen ; mais les idées révolutionnaires atteignent jusqu’à ses enseignants, son professeur d’Histoire en particulier ne cache pas sa sympathie pour le parti bolchevique qui a pris le pouvoir et édifie l’URSS. Joseph Boczov est un adolescent bouillonnant, il va rejoindre le microparti communiste roumain et il va y rencontrer un leader qui marquera l’Histoire, Ana Pauker, qui le fascinera pour toute sa vie. Quand il combattra en Espagne contre Franco, il donnera le nom d’Ana Pauker à son bataillon. Et quand elle lui demandera de devenir paysan pour prêcher dans les campagnes, il répondra oui. Il répondra encore oui, quand elle l’obligera à épouser une ouvrière inconnue pour faire de l’agit-prop dans une des plus grosses usines roumaines.
Le traité de Saint-Germain, signé le 10 décembre 1919, avait exigé de la Roumanie l’émancipation des Juifs. Un ancien préfet résumait assez la pensée d’une partie de la population en déclarant : « Le traité nous agenouille devant les djidani », mot péjoratif pour désigner les Juifs. Progressivement les dirigeants du pays y firent accroc sur accroc.
La montée du fascisme en Roumanie
Cela commença par une propagande, dénonçant tous les Juifs comme étant des agents bolcheviques, organisée par le général Arthur Vaitoianu. De grandes affiches, intitulées : « Les bêtes rouges » furent placardées un peu partout par la police, montrant bien qu’il ne s’agissait pas d’une initiative isolée, mais venant directement du sommet de l’État. Bien entendu, cela entraîna les réactions escomptées, des Juifs furent pris à partie. On les persécuta dans les trains, dans les lieux publics… À Léova, on arrêta tous les Juifs. On les accusa d’avoir insulté l’armée et l’État, ils furent emprisonnés, on finit par les libérer, mais après maints palabres.
L’antisémitisme gagnait le pays tout entier, à tous les échelons, on accusait les Juifs d’être des communistes et de vouloir détruire la royauté. Sur ce terreau, les nationalistes s’organisaient.
Dans le programme du Parti national démocrate, qui claironnait son antisémitisme, on pouvait lire, article 45 : « Il faut résoudre le problème juif :
- Par l’élimination des juifs qui permettra le développement des forces productives des Roumains, et
- par la protection des entreprises de ces derniers. »
Dans la même période, une roumanisation intensive fut déclenchée : le Dr Anghelescu, ministre de l’Instruction publique, estimant qu’il y avait trop d’écoles juives, commença par les mettre au pas, avec l’idée bien arrêtée de les faire disparaître. Le tout jeune lycée juif de Chisinau notamment fut fermé.
Le collège de Cluj-Napoca accueillait des étudiants, même des Juifs, dont Ferenz Wolf. La ville va être le terrain d’une montée d’antisémitisme d’une rare violence. L’imprimerie d’un journal sera détruite. Les insurgés s’en prendront aux lycéens juifs. Ferenz Wolf se battra, il sera ramené chez lui entre deux gendarmes, au grand désarroi de son père, qui était très fier de sa respectabilité et qui ne le lui pardonnera pas.
Le leader antisémite Corneliu Zelea Codreanu
L’avocat Corneliu Zelea Codreanu tenait une tribune dans le grand amphi à l’école de Pharmacie, avec ses compagnons. Derrière eux, lors des meetings, ils avaient placé un drapeau géant aux couleurs de la Roumanie, avec en plus au milieu la svastika : croix gammée symbole de l’antisémitisme, dont ils étaient fiers. À chaque fois qu’ils se produisaient, l’amphi était plein… Dans quelques années, plusieurs d’entre eux accéderont au pouvoir.
Pour les nationalistes, il n’était pas question d’assimiler les Juifs au reste de la population. Un Juif épousant une chrétienne leur paraissait comme le pire des crimes. Le Pr Cuza était pris d’une véritable frénésie antisémite. En tribune, il criait aux Juifs : « Partez du pays tant qu’il est encore temps pour que vous ne vous noyiez pas dans votre sang. Avant ma mort, je veux voir le sang des Juifs mêlé à la boue ».
Son disciple et ami Corneliu Zelea Codreanu passa à l’acte sans tarder, comme il le raconta plus tard dans ses mémoires.
« Il nous fallait frapper les rabbins ; si nous avions eu les moyens, nous les aurions visés tous, mais nous étions peu nombreux et nous décidâmes de nous attaquer qu’aux grands rabbins de Bucarest. Nous fîmes ensuite notre choix parmi les banquiers : Aristide et Mauritiu Blank, qui ont corrompu tous les partis et tous les hommes politiques roumains… Nous passâmes ensuite aux Juifs dans la presse : les plus insolents, les empoisonneurs d’âme. Nous désignâmes parmi eux : Rosenthal, Filderman, Honigman… Nous partîmes par groupes pour Bucarest… »
Corneliu Zelea Codreanu à Strasbourg
Corneliu Zelea Codreanu vint à Strasbourg pour poursuivre ses études. Voici ce qu’il écrivit :
« Ce qui m’impressionna par-dessus tout, ce fut de voir cette ville, contrairement à ce que j’attendais, infestée de juifs… En descendant du train, je croyais rencontrer le type de la race gauloise qui a marqué par sa bravoure sans égale les siècles de l’Histoire. Je n’apercevais au contraire que des visages crochus et avides de juifs qui me tiraient par la manche pour me faire entrer dans leurs boutiques ou dans leurs restaurants. La majorité des restaurants de la rue de la gare étaient juifs. En France, où les juifs passent pour assimilés, tous ces restaurants, comme chez nous, ne servaient que de la cuisine Cacher. J’allais de restaurant en restaurant pour tâcher d’en trouver un qui fût chrétien. Mais à la devanture de chacun d’eux, je voyais écrit en yiddish : « Restaurant Cacher ». Nous eûmes beaucoup de peine à dénicher un établissement français, pour y prendre notre repas… Entre les juifs de Târgul Coucouli et ceux de Strasbourg, je ne voyais aucune différence. C’était la même figure, le même jargon, les mêmes manières, les mêmes yeux sataniques où l’on devine, derrière l’obséquiosité de façade, une âpre envie de voler. »
Deux de l’Affiche rouge
Avec la montée du fascisme en Roumanie, Olga Bancic et Joseph Boczov préférèrent quitter la Roumanie, avec leurs camarades, Joseph Epstein, Mihaly Patriciu, Andrei Dragos Sas, et tant d’autres. La majorité d’entre eux se dirigèrent vers l’Espagne pour rejoindre les républicains espagnols en lutte contre les franquistes.
Franco prenant le dessus, les brigades internationales furent dissoutes. Les révolutionnaires roumains durent quitter l’Espagne.
Que leur arriva-t-il au camp d’Argelès-sur-Mer ?
Dans quels réseaux entrèrent-ils dans la Résistance ?
Quels furent leurs faits d’armes ?
Que devinrent-ils ?
Que devint la Roumanie ? Qui y accéda au pouvoir ?
Toutes les lettres d’adieu des 23 résistants sont dans le roman, celles qu’ils ont écrites avant d’être assassinés par les nazis, dont celle d’Olga Bancic que voici :
« Ma chère petite fille, mon cher petit amour,
Ta mère écrit la dernière lettre, ma chère petite, demain à 6 heures, le 10 mai, je ne serai plus.
Mon amour, ne pleure pas, ta mère ne pleure pas non plus. Je meurs avec la conscience tranquille et avec la conviction que demain tu auras une vie et un avenir plus heureux que ta mère. Tu n’auras plus à souffrir.
Sois fière de ta mère, mon petit amour.
J’ai toujours ton image devant moi.
Je veux croire que tu reverras ton père, j’ai l’espérance que lui aura un autre sort. Dis-lui que j’ai toujours pensé à lui comme à toi. Je vous aime de tout mon cœur. Tous les deux vous m’êtes chers. Ma chère enfant, ton père est, pour toi, une mère aussi. Il t’aime beaucoup.
Tu ne sentiras pas le manque de ta mère.
Mon cher enfant, je finis ma lettre avec l’espérance que tu seras heureuse pour toute ta vie avec ton père, avec tout le monde. Je vous embrasse de tout mon cœur, beaucoup, beaucoup.
Adieu mon amour.
Ta mère. »
Le lendemain, les Allemands la décapitèrent à la hache à Stuttgart.
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