Ils sont venus pour nous : Olga Bancic et Joseph Boczov

Ils sont venus pour nous, Olga Bancic, Joseph Boczov

Ils sont venus pour nous, publié chez 3E éditions, au prix de 4,99 euros en e-book.

En Roumanie, après la Première Guerre mondiale

Avec la montée d’Hitler en Allemagne les pays voisins sont percutés de plein fouet, la Roumanie n’y échappe pas. Le pays est en plein essor économique pour se reconstruire après les ravages de la Première Guerre mondiale.

Dans le pays, c’est un roi qui dirige.

Deux grands courants politiques vont se côtoyer et s’affronter.

L’avocat Corneliu Zelea Codreanu va faire parler de lui. Durant la guerre de 14, il est jeune, mais, à 17 ans, il se porte volontaire pour défendre la patrie en danger. Plus tard, il dira qu’il a été subjugué par ses supérieurs qui, au front, lui inculqueront l’amour de la patrie et le sens du sacrifice. Très vite, il est gagné par les idées d’extrême-droite.

Parallèlement, les ouvriers s’organisent. La Russie est de l’autre côté de la frontière, les idées révolutionnaires font leur chemin dans le monde ouvrier. Olga Bancic, petite ouvrière de 13 ans dans une fabrique de gants, va être touchée. Syndicaliste active, elle se bat pour améliorer les conditions catastrophiques du peuple.

Ana Pauker

Pendant ce temps, Joseph Boczov est lycéen ; mais les idées révolutionnaires atteignent jusqu’à ses enseignants, son professeur d’Histoire en particulier ne cache pas sa sympathie pour le parti bolchevique qui a pris le pouvoir et édifie l’URSS. Joseph Boczov est un adolescent bouillonnant, il va rejoindre le microparti communiste roumain et il va y rencontrer un leader qui marquera l’Histoire, Ana Pauker, qui le fascinera pour toute sa vie. Quand il combattra en Espagne contre Franco, il donnera le nom d’Ana Pauker à son bataillon. Et quand elle lui demandera de devenir paysan pour prêcher dans les campagnes, il répondra oui. Il répondra encore oui, quand elle l’obligera à épouser une ouvrière inconnue pour faire de l’agit-prop dans une des plus grosses usines roumaines.

Le traité de Saint-Germain, signé le 10 décembre 1919, avait exigé de la Roumanie l’émancipation des Juifs. Un ancien préfet résumait assez la pensée d’une partie de la population en déclarant : « Le traité nous agenouille devant les djidani », mot péjoratif pour désigner les Juifs. Progressivement les dirigeants du pays y firent accroc sur accroc.

La montée du fascisme en Roumanie

Cela commença par une propagande, dénonçant tous les Juifs comme étant des agents bolcheviques, organisée par le général Arthur Vaitoianu. De grandes affiches, intitulées : « Les bêtes rouges » furent placardées un peu partout par la police, montrant bien qu’il ne s’agissait pas d’une initiative isolée, mais venant directement du sommet de l’État. Bien entendu, cela entraîna les réactions escomptées, des Juifs furent pris à partie. On les persécuta dans les trains, dans les lieux publics… À Léova, on arrêta tous les Juifs. On les accusa d’avoir insulté l’armée et l’État, ils furent emprisonnés, on finit par les libérer, mais après maints palabres.

L’antisémitisme gagnait le pays tout entier, à tous les échelons, on accusait les Juifs d’être des communistes et de vouloir détruire la royauté. Sur ce terreau, les nationalistes s’organisaient.

Dans le programme du Parti national démocrate, qui claironnait son antisémitisme, on pouvait lire, article 45 : « Il faut résoudre le problème juif :

  • Par l’élimination des juifs qui permettra le développement des forces productives des Roumains, et
  • par la protection des entreprises de ces derniers. »

Dans la même période, une roumanisation intensive fut déclenchée : le Dr Anghelescu, ministre de l’Instruction publique, estimant qu’il y avait trop d’écoles juives, commença par les mettre au pas, avec l’idée bien arrêtée de les faire disparaître. Le tout jeune lycée juif de Chisinau notamment fut fermé.

Le collège de Cluj-Napoca accueillait des étudiants, même des Juifs, dont Ferenz Wolf. La ville va être le terrain d’une montée d’antisémitisme d’une rare violence. L’imprimerie d’un journal sera détruite. Les insurgés s’en prendront aux lycéens juifs. Ferenz Wolf se battra, il sera ramené chez lui entre deux gendarmes, au grand désarroi de son père, qui était très fier de sa respectabilité et qui ne le lui pardonnera pas.

Le leader antisémite Corneliu Zelea Codreanu

L’avocat Corneliu Zelea Codreanu tenait une tribune dans le grand amphi à l’école de Pharmacie, avec ses compagnons. Derrière eux, lors des meetings, ils avaient placé un drapeau géant aux couleurs de la Roumanie, avec en plus au milieu la svastika : croix gammée symbole de l’antisémitisme, dont ils étaient fiers. À chaque fois qu’ils se produisaient, l’amphi était plein… Dans quelques années, plusieurs d’entre eux accéderont au pouvoir.

Pour les nationalistes, il n’était pas question d’assimiler les Juifs au reste de la population. Un Juif épousant une chrétienne leur paraissait comme le pire des crimes. Le Pr Cuza était pris d’une véritable frénésie antisémite. En tribune, il criait aux Juifs : « Partez du pays tant qu’il est encore temps pour que vous ne vous noyiez pas dans votre sang. Avant ma mort, je veux voir le sang des Juifs mêlé à la boue ».

Son disciple et ami Corneliu Zelea Codreanu passa à l’acte sans tarder, comme il le raconta plus tard dans ses mémoires.

« Il nous fallait frapper les rabbins ; si nous avions eu les moyens, nous les aurions visés tous, mais nous étions peu nombreux et nous décidâmes de nous attaquer qu’aux grands rabbins de Bucarest. Nous fîmes ensuite notre choix parmi les banquiers : Aristide et Mauritiu Blank, qui ont corrompu tous les partis et tous les hommes politiques roumains… Nous passâmes ensuite aux Juifs dans la presse : les plus insolents, les empoisonneurs d’âme. Nous désignâmes parmi eux : Rosenthal, Filderman, Honigman… Nous partîmes par groupes pour Bucarest… »

Corneliu Zelea Codreanu à Strasbourg

Corneliu Zelea Codreanu vint à Strasbourg pour poursuivre ses études. Voici ce qu’il écrivit :

« Ce qui m’impressionna par-dessus tout, ce fut de voir cette ville, contrairement à ce que j’attendais, infestée de juifs… En descendant du train, je croyais rencontrer le type de la race gauloise qui a marqué par sa bravoure sans égale les siècles de l’Histoire. Je n’apercevais au contraire que des visages crochus et avides de juifs qui me tiraient par la manche pour me faire entrer dans leurs boutiques ou dans leurs restaurants. La majorité des restaurants de la rue de la gare étaient juifs. En France, où les juifs passent pour assimilés, tous ces restaurants, comme chez nous, ne servaient que de la cuisine Cacher. J’allais de restaurant en restaurant pour tâcher d’en trouver un qui fût chrétien. Mais à la devanture de chacun d’eux, je voyais écrit en yiddish : « Restaurant Cacher ». Nous eûmes beaucoup de peine à dénicher un établissement français, pour y prendre notre repas… Entre les juifs de Târgul Coucouli et ceux de Strasbourg, je ne voyais aucune différence. C’était la même figure, le même jargon, les mêmes manières, les mêmes yeux sataniques où l’on devine, derrière l’obséquiosité de façade, une âpre envie de voler. »

Deux de l’Affiche rouge

Avec la montée du fascisme en Roumanie, Olga Bancic et Joseph Boczov préférèrent quitter la Roumanie, avec leurs camarades, Joseph Epstein, Mihaly Patriciu, Andrei Dragos Sas, et tant d’autres. La majorité d’entre eux se dirigèrent vers l’Espagne pour rejoindre les républicains espagnols en lutte contre les franquistes.

Franco prenant le dessus, les brigades internationales furent dissoutes. Les révolutionnaires roumains durent quitter l’Espagne.

Que leur arriva-t-il au camp d’Argelès-sur-Mer ?

Dans quels réseaux entrèrent-ils dans la Résistance ?

Quels furent leurs faits d’armes ?

Que devinrent-ils ?

Que devint la Roumanie ? Qui y accéda au pouvoir ?

Toutes les lettres d’adieu des 23 résistants sont dans le roman, celles qu’ils ont écrites avant d’être assassinés par les nazis, dont celle d’Olga Bancic que voici :

« Ma chère petite fille, mon cher petit amour,

Ta mère écrit la dernière lettre, ma chère petite, demain à 6 heures, le 10 mai, je ne serai plus.

Mon amour, ne pleure pas, ta mère ne pleure pas non plus. Je meurs avec la conscience tranquille et avec la conviction que demain tu auras une vie et un avenir plus heureux que ta mère. Tu n’auras plus à souffrir.

Sois fière de ta mère, mon petit amour.

J’ai toujours ton image devant moi.

Je veux croire que tu reverras ton père, j’ai l’espérance que lui aura un autre sort. Dis-lui que j’ai toujours pensé à lui comme à toi. Je vous aime de tout mon cœur. Tous les deux vous m’êtes chers. Ma chère enfant, ton père est, pour toi, une mère aussi. Il t’aime beaucoup.

Tu ne sentiras pas le manque de ta mère.

Mon cher enfant, je finis ma lettre avec l’espérance que tu seras heureuse pour toute ta vie avec ton père, avec tout le monde. Je vous embrasse de tout mon cœur, beaucoup, beaucoup.

Adieu mon amour.

Ta mère. »

 

Le lendemain, les Allemands la décapitèrent à la hache à Stuttgart.

 

Ils sont venus pour nous, publié chez 3E éditions, au prix de 4,99 euros en e-book.

 

 

Si ce sont des hommes…

Médecins de la mort au Struthof

de Serge Janouin-Benanti

Si ce sont des hommes
3,99 € en e-book, chez 3E éditions

Le Struthof

Le Natzweiler-Struthof, nom méconnu, nom redoutable, celui du camp de concentration alsacien, où les nazis exterminèrent des milliers d’innocents.

Conformément à des plans bien préparés, les mesures hitlériennes s’appliquèrent rapidement quand l’armée allemande occupa l’Alsace-Lorraine… Avec la complicité des nazis alsaciens-lorrains, le camp de concentration de Natzweiler-Struthof fut ouvert. Des scientifiques nazis, comme Eugen Haagen, Otto Bickenbach et August Hirt y commencèrent leurs criminelles expérimentations sur les détenus.

Heinrich Himmler se vantait qu’au camp de Natzweiler-Struthof on entrait dans le silence et après on disparaissait. Personne pour se plaindre, personne pour réclamer… Nuit et Brouillard.

Plus tard, dans son ordonnance du 7 décembre 1941, le maréchal allemand, Keitel, expliquait : « On ne peut obtenir un effet d’intimidation véritablement efficace et durable qu’en appliquant la peine de mort ou en employant des mesures telles que ni ses parents ni la population ne connaissent le sort du criminel. »

Nuit et brouillard, Nacht und Nebel, nom de code pour l’opération de suppression des opposants en pays occupés… C’est ainsi que disparurent des milliers de personnes, venues de tous horizons, des Juifs, des Tziganes, des politiques, des syndicalistes, des homosexuels…

Le Pr August Hirt et sa collection de crânes

Auprès du professeur émérite August Hirt, enseignant à l’Université de Strasbourg, les idées du Führer faisaient leur chemin. Hirt était capitaine dans la SS, c’était un ami d’Heinrich Himmler qu’il avait maintes fois rencontré. Hitler voulait la disparition des Juifs de la surface de la Terre, August Hirt approuvait. Comme disait le cher professeur, « Pour sauver un Allemand, je suis prêt à sacrifier un millier de sous-hommes ». Bien sûr, il applaudit les décisions de la conférence de Wannsee du 20 janvier 1942, où les dignitaires nazis officialisèrent la solution finale : l’élimination de tous les Juifs présents sur le Grand Reich. Le professeur Hirt s’indignait de ne pas avoir de crânes juifs, dans son musée, alors que, disait-il, il regorgeait de crânes de singes, de sauvages des cinq continents, de nègres, d’Arabes, de Chinois, de Japonais… Aurait-il assez de temps pour en avoir ?… Le Reichsführer-SS lui avait parlé d’une capacité d’extermination d’un million et demi de personnes par an à Auschwitz. S’il y avait dix camps comme celui-là, en moins d’un an il était possible de faire disparaître tous les Juifs. Heinrich Himmler venait de lui laisser entendre que l’extermination industrielle était en place depuis près d’un an ; peut-être qu’il ne restait déjà plus que quelques Juifs ? Probablement aussi que les plus beaux spécimens étaient déjà réduits en cendres. Fort de tout cela, le Pr Hirt se dit qu’il devenait urgent de faire son marché.

À cette fin, le bon professeur envoya l’anthropologue et capitaine SS Bruno Beger au camp d’extermination d’Auschwitz, muni d’une lettre de recommandation d’Adolf Eichmann, le lieutenant-colonel des SS responsable des Affaires juives.

Le commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss, présenta à Beger le fonctionnement du camp : « Une fois la sélection faite par les médecins SS, les détenus valides sont emmenés vers les baraquements et sont affectés au travail. Les autres, ceux qui subissent le traitement spécial, sont dirigés vers une chambre à gaz. J’en ai quatre qui fonctionnent actuellement… Au début du camp, on exécutait les détenus d’une balle dans la tête. Ça prenait un temps fou pour tuer quelques centaines de personnes et je ne vous parle pas du coût des munitions ! Après avoir inspecté le camp de Treblinka, j’ai copié leur système d’asphyxie par les gaz d’échappement. C’était plus économique, on pouvait gazer des dizaines de personnes à la fois, seulement ça prenait toujours autant de temps. J’ai bien essayé de raccourcir le délai, malheureusement la dose était insuffisante, beaucoup se réveillaient alors qu’on les enterrait. C’est moi et mon adjoint qui avons eu l’idée d’employer le pesticide qu’on utilisait pour le déverminage, le zyklon B. ; le produit s’est révélé d’une efficacité remarquable. Le Reichsführer-SS, qui a assisté à un gazage de Juifs hollandais en juillet 1942, a été très impressionné. Il m’a promu lieutenant-colonel-SS. »

Dans le camp d’Auschwitz, Bruno Beger sélectionna ses futures victimes, de vrais Juifs pour avoir de vrais crânes juifs pour la précieuse collection. Il ramena les futures victimes au camp de Natzweiler-Struthof…

L’aspirant au prix Nobel de médecine, le Pr Eugen Haagen

Le collègue du professeur Hirt, Eugen Haagen, était, lui aussi, un nazi convaincu. Il avait fait de la propagande pour Hitler à travers les USA. Le Pr Haagen était reconnu mondialement pour ses travaux sur les virus et la vaccination. À son retour d’Amérique, il avait adhéré au Parti nazi en 1937. Comme disait Heinrich Himmler, « C’est un Aryen de pure souche, il n’y a aucune contamination juive en lui depuis plus de trois générations ! On peut lui ouvrir les portes du Struthof ! »… Et on les lui ouvrit !

Pour ses expériences, le Pr Haagen voulait de préférence des Tziganes, « plus proches génétiquement des Aryens que le juif », disait-il. « Ce sont des morts en sursis, dont personne ne se souviendra… Une race de sous-hommes, moins subversive et dangereuse que le juif. » Il intervint auprès du commandant du camp d’Auschwitz. Le nouveau commandant, Liebehenschel accepta de lui en livrer une centaine, des Sinti et des Roms de nationalité allemande, polonaise, tchèque et hongroise, de sexe masculin, âgés de 11 à 64 ans. Le convoi quitta Auschwitz le 9 novembre 1943, et parvint à Natzweiler-Struthof le 12…

Les médecins nazis pouvaient faire leurs terrifiantes expériences, sans aucune pitié, jusqu’à ce que mort s’ensuive. L’impitoyable Josef Kramer, commandant du camp de Natzweiler-Struthof, leur facilitait la tâche.

La fin de Hirt et les arrestations de Bickenbach et Haagen

À la fin de la guerre, quand les alliés arrivèrent, les professeurs Eugen Haagen, August Hirt et Otto Bichenbach se sauvèrent de Strasbourg pour échapper à la justice.

Le Pr Eugen Haagen fut arrêté par les Américains en avril 1945. Les membres de l’opération Overcast s’intéressèrent à lui, il s’agissait de collecter les informations sur les armes nouvelles découvertes par les nazis. Son interrogatoire terminé, les Américains l’utilisèrent comme témoin à charge dans le procès de Nuremberg. En récompense de sa collaboration, oubliant qu’au nom de ses recherches il avait martyrisé et tué des humains, ils le libérèrent le 15 juin 1946. Les Anglais le rattrapèrent en janvier 1947 et le livrèrent aux autorités françaises qui l’emprisonnèrent.

Le Pr August Hirt, lui, se cacha. Il avait construit sa vie pour entendre des louanges, recevoir des honneurs, être respecté, considéré. N’était-il pas le doyen de la faculté de médecine de Strasbourg ? Le pionnier de la microscopie par fluorescence ? Il était le défenseur de la race, selon le Führer. Si lui était un homme bien, il fallait que les Juifs, les Tziganes et tous les autres prisonniers de Natzweiler-Struthof fussent des sous-hommes. Il fallait qu’ils s’apparentent aux singes… Son Führer avait perdu la guerre, c’était la fin, le monde s’écroulait, on allait retourner à la préhistoire. Il fallait s’en aller dignement… Et dans la forêt où il s’était réfugié, il se tira une balle dans la tête. C’était le samedi 2 juin 1945, il avait 47 ans et avait assassiné des centaines de pauvres hères, qui avaient eu le malheur de le croiser.

Si ce sont des hommes, vous êtes la pire des ordures, si ce sont des hommes, alors vous n’êtes pas un savant, vous êtes un assassin, juste un lâche assassin, Pr Hirt !

Les procès de Metz et Lyon

Après la guerre, le Pr Otto Bickenbach fut arrêté. Il passa en procès. C’est Me Floriot qui défendit ce criminel, en vantant toutes ses prétendues qualités et en oubliant ses crimes.

Les Professeurs Eugen Haagen et Otto Bickenbach furent jugés par le tribunal militaire de Metz en décembre 1952. Les deux se défaussèrent sur Heinrich Himmler, ils recevaient des ordres, ils n’avaient fait que les appliquer.

Le 24 décembre les condamnations tombèrent, avec circonstances atténuantes, non précisées, écartant la peine de mort. Le jugement fut cassé pour vice de forme par le tribunal militaire de Paris, un an plus tard, le 14 janvier 1954. Un second procès militaire s’ouvrit à Lyon en mai pour les deux médecins nazis.

Pour leur défense, ces criminels reçurent l’appui d’éminents personnages, dont celui du Pr Blanc, membre de l’Académie de médecine, directeur de l’Institut Pasteur de Casablanca.

Bien que reconnus coupables, Otto Bickenbach et Eugen Haagen virent leurs peines réduites à 20 ans de travaux forcés. Un an plus tard, ces peines furent abaissées à 10 ans et dans la foulée les deux furent amnistiés le 18 septembre 1955.

Les crimes de ces assassins ne donnèrent finalement qu’une peine bien légère au regard de leurs crimes.

Cela rappelait la phrase d’Hitler dans Mein Kampf :

« Le rôle du plus fort est de dominer et non point de se fondre avec le plus faible, en sacrifiant ainsi sa propre grandeur. Seul le faible de naissance peut trouver cette loi cruelle ».

Pauvres détenus du Struthof, ces braves médecins n’avaient fait que mettre en œuvre les thèses nazies : la destruction de vies dépourvues de valeurs, comme disait le médecin d’Hitler, le Dr Karl Brandt.

Un roman pédagogique et prenant qu’on lit d’une traite

Que s’est-il exactement passé au camp de Natzweiler-Struthof ? Quelles expérimentations ont été faites sur les prisonniers ? Quels ont été les résultats scientifiques obtenus ? Quelles furent les victimes ?… Des noms pour se souvenir, tel est l’objet de « Si ce sont des hommes, médecins de la mort au Struthof » de Serge Janouin-Benanti, aux éditions 3E éditions.

3,99 € en e-book.

Plus qu’un roman, un témoignage bouleversant.

 

Adieu Loubianka !

Adieu Loubianka

Adieu Loubianka ! de Maroussia Vassanaïev est publié en e-book chez 3E éditions, au prix de 2,99 euros.

Au lendemain d’une fête organisée par Yakov Sintchouk, le directeur de l’Étincelle de Lénine, de bon matin, on frappa à la porte de six amis. C’était la Guépéou ; on venait les arrêter pour les conduire à la terrible prison de haute sécurité Loubianka.

Le roman se déroule en URSS, dans la seconde moitié du XXe siècle. Six citoyens soviétiques coulaient une vie paisible. L’un était facteur, un autre boulanger s’occupait à confectionner des blinis… Tous s’acquittaient en même temps de leur corvée au kolkhoze l’Étincelle de Lénine, la coopérative d’État.

Ces citoyens sans histoires n’y comprenaient rien. Ils étaient tous communistes, sauf un, soit par conviction, soit par habitude pour faire comme tout le monde.

Aussitôt dans leur cellule, chacun va revivre sa vie passée pour essayer de comprendre ce qui lui arrive.

Agata Vikht était communiste depuis toute petite. Son père était un instituteur militant… Du temps du tsar, se disait Agata Vikht, la ronéo de mon père, qui tirait les tracts révolutionnaires, était au fond du jardin et fonctionnait à plein régime. Agata se souvenait encore de ce jour où la police tsariste avait fouillé la maison à la recherche de documents compromettants. Ce jour-là, elle s’était réfugiée près de la ronéo. Ils n’avaient rien trouvé… Que Caterina, sa mère, était belle alors ! Elle nouait ses cheveux dorés en queue de cheval. Elle avait dansé des heures sur la place publique après la révolution… Agata Vikht avait entendu parler de la Loubianka ; quand elle était enfant, on lui disait : si tu n’es pas sage, tu finiras à la Loubianka. Oui, mais qu’y faisait-elle aujourd’hui ?

Dans la cellule d’à côté, Sergueï Starostine bouillait de colère. Il ne comprenait pas pourquoi il s’était laissé arrêter comme un mouton. Il donnait des coups de pied dans son lit de fer. Lui n’était pas communiste. C’était un ancien pope, le parti lui avait confisqué son église pour la transformer en salle de bal… Au début, Sergueï Starostine s’était révolté, après il s’était habitué, à tout, même aux bidons d’eau de vie qui jonchaient le sol de son église les lendemains de beuverie. Irina, son épouse, était croyante elle aussi, elle passait de maison en maison pour prêcher la bonne parole. Et un jour elle était morte d’épuisement. Sergueï Starostine avait eu un renouveau mystique. Il célébrait des messes dans une grange délabrée, en secret. Pas tant que ça, des communistes venaient parfois écouter ses prêches. Mais il évitait tout conflit avec le parti. Il avait creusé son nid. Il se gardait bien de critiquer leurs directives. On ne savait pas ce que devenaient ceux qui leur tenaient tête… Debout dans sa cellule, il entend dans sa tête la chanson préférée de son fils Sacha. Sacha aux cheveux très noirs, tout frisés comme ceux de sa mère. « Je suis sûr qu’il se démène pour me tirer de là. Mon Dieu ! qu’est-ce que je fais ici ? » Il y avait bien eu cette réunion intitulée « la belle éducation populaire». Là, alors que le cadre communiste affirmait : « Dieu n’existe pas, tout ça, c’est du vieux monde. » Lui avait rétorqué, « Dieu existe. » « Démontre-nous donc que ton Dieu existe, si tu le peux ? » Sergueï Starostine avait baissé la tête sans savoir quoi répondre et l’autre avait ricané.

À l’inquisiteur de la prison qui l’interrogeait tous les jours, il avait osé dire : « Pourquoi suis-je ici ? » l’inquisiteur avait répondu : « Vous êtes sous la protection du parti pour vous empêcher de faire des erreurs. »

De quoi parlait-il au juste ?

Moshé Levinovitch lui aussi était à la Loubianka. Sa vie : il était facteur le matin et l’après-midi, il donnait un coup de main à l’Étincelle de Lénine.  Moshé avait été de toutes les luttes révolutionnaires. Il appartenait au peuple travailleur. Mais, il était juste une mouche, une toute petite mouche. En janvier 1919, il avait participé à l’opération de décosaquisation. Avec des camarades, il avait décapité la statue du tsar Alexandre III. Il avait brûlé les portraits de Nicolas II… Il ne comprenait rien à son incarcération. Il voulait parler à Kalinine, lui écrire au moins. Kalinine, c’était le président de toutes les Russies. Il était au-dessus de tout. Ne disait-on pas grand bien de lui dans le peuple ? Il était honnête, bon, un vrai Russe, quoi ! c’était ce qu’on disait… Sûr que lui le sortirait de là… Avant d’être enfermé comme un criminel, Moshé Levinovitch savait hausser le ton. On le considérait comme une grande gueule. Et voilà qu’ici, il sent la vie qui le quitte à petit feu. « Mon sexe est flasque, je ne suis plus un homme. J’ai jamais discuté les ordres du parti. Je ne suis pas un idéologue. Je suis juste honnête. Je veux sortir. Sortir. »

Le quatrième prisonnier, Vassili Vassanaïev avait fait la Seconde Guerre mondiale, il y avait perdu son bras gauche. Cela lui avait donné le goût du sang. Alors, il était paysan soldat comme tant d’autres. Il avait été féroce une fois revenu. Il avait tué Boris Viazemski un officier supérieur, avec d’autres c’est vrai, mais quand même… Maintenant, il était boulanger, il avait six apprentis, dont le fils du secrétaire du parti. Il faudra qu’il le dise à l’inquisiteur. Sans oublier de parler de sa fille Olga qui, à l’âge de 10 ans, avait besoin de son père, elle qui avait déjà eu plusieurs récompenses communistes. Que faisait-il en prison ? Après la révolution, il s’était assagi ; à présent qu’il menait une vie tranquille, voilà qu’il se retrouvait à la Loubianka ! Que penserait sa fille ? Il lui avait inculqué l’honnêteté. Il n’avait rien à faire en prison… La bonne odeur du pain chaud lui manquait. Ici ça puait la javel. Dans sa cellule, il s’était réveillé comme d’habitude très tôt, bien que la lucarne, qui lui servait de fenêtre, éclairait peu. Il voudrait tant être en train de pétrir sa pâte avec son unique bras valide.

Mira Saïapina, malgré son prénom de rêve, n’avait rien d’une princesse dans sa cellule de la Loubianka. Elle avait 71 ans, son métier c’était la terre. Entrée au parti à la révolution, elle était paysanne à temps plein à l’Étincelle de Lénine. Grâce à la révolution, elle avait sa maison, des volailles. Elle était déléguée syndicale, elle avait son franc-parler et savait réclamer du matériel agricole quand il devait être changé. Justement la veille de son arrestation, elle avait réclamé, mais juste pour qu’on lui trouve un nouveau manche de faux, le sien étant pourri. Pas de quoi l’emprisonner ! Maintenant ses poules qui allait les nourrir ? C’était une sacrée bosseuse, la nuit elle glanait sur les terres du kolkhoze pour pouvoir nourrir ses volailles… Elle avait beau chercher les motifs de son arrestation, elle ne trouvait rien. Son emprisonnement était incompréhensible. Elle dénoua sa longue tresse. Ses cheveux lui retombèrent sur les reins, les seins à l’air elle avait chaud de colère… Mira Saïapina avait habité Simbvisk, elle avait même assisté au baptême de Lénine. Aujourd’hui, lui mort, le parti était devenu fou. Kalinine, au secours !

Dans la prison de la Loubianka, les jours se suivaient et se ressemblaient. Et toujours cette lancinante question : Quand est-ce que ce cauchemar va s’arrêter ?… Non les journées ne se passaient pas entièrement dans la cellule, elles étaient entrecoupées par les interrogatoires du commissaire politique dans son bureau. Sûr de lui, droit dans ses bottes, baptisé au marxisme à sa naissance, élevé dès ses premiers pas dans les dogmes du parti, quand il interrogeait ses prisonniers, il n’avait aucun état d’âme. Que leur reprochait-il ? Que cherchait-il ? Pourquoi ces interrogatoires kafkaïens ?…Que deviendront les prisonniers ?

Comment toute cette affaire finira-t-elle ?

Adieu Loubianka ! de Maroussia Vassanaïev est publié en e-book chez 3E éditions, au prix de 2,99 euros.