L’enfant assassin – François 12 ans

L’enfant assassin

François, 12 ans

L’enfant assassin, publié chez 3E éditions, au prix de 3,99 euros en e-book et 10 euros en livre broché.

François lance avec rage une pierre à angle aigu dans la rivière du Bono qui coule à ses pieds. Il en ramasse une autre et une autre encore avec toujours cette violente colère dans ses yeux bleus.

Non ! non et non, je n’irai pas chez cet Adilias.

Le fermier Vincent Adilias l’attend… Jusqu’ici, il ne l’a jamais rencontré. Une chose est sûre, il va devoir aller travailler chez lui.

À ses pieds, la rivière du Bono fait des remous. Des mouettes se posent à contre-courant, puis très vite remontent le bec plein d’un poisson. Ici, les remous grossissent, débordent même. Parfois, elle sort de son lit.

François entre dans l’eau jusqu’aux cuisses. Elle est froide, froide comme le monde, froide comme la vie. Maman ne m’aime pas. Papa ne m’aime pas. Et maintenant voilà grand-mère qui ne m’aime plus. La preuve, elle me laisse partir chez cet Adilias.

La ferme de Vincent Adilias n’était pas une très grosse ferme, mais elle était très bien entretenue. Le fermier et son épouse s’en étaient toujours occupés tout seuls, même si son frère et son père venaient leur donner un coup de main en cas de besoin.

Seulement, Yvonne était décédée voici un mois et son veuf ne fournissait plus. Il avait trente-cinq ans. Il s’était marié tard avec Yvonne et ils avaient mis du temps à avoir des enfants. Finalement, ils en avaient eu deux : Gaëlle, âgée de sept ans, et Yvon, âgé de cinq ans. L’homme et la femme avaient fait un mariage d’amour et les petits en étaient le fruit.

Quand pour la première fois, Vincent Adilias rencontra François Dicondale, il comprit tout de suite que l’enfant de douze ans, malgré tout le bien qu’en disait son père, n’était pas facile. Tout d’abord, il devait venir le 5, son père ne l’emmena que le 6. Comme Dicondale donnait l’impression d’être un homme de parole, le problème venait donc de son fils. Vincent Adilias eut le sentiment que l’enfant ne venait pas chez lui de son plein gré.

La table est desservie, Vonvon, maintenant, est endormi. Le fermier tresse un panier. Madeleine file le chanvre et Gaëlle enroule le fil. François frotte sur un couteau une pierre à affûter. Il ouvre grand les oreilles. De sa voix douce et enveloppante, la jeune fille touche son cœur. Il l’aime plus de jour en jour.

L’arrivée de François à la ferme avait distrait Gaëlle de la perte de sa mère. Depuis l’entrée de Madeleine, elle avait eu du réconfort. La petite fille était très docile et n’avait pas eu de mal à s’adapter à cette nouvelle présence féminine. Même si, bien sûr, Madeleine ne pourrait jamais remplacer sa mère.

La première fois que la fillette vit François Dicondale, elle surmonta sa timidité et se dirigea droit vers lui en lui tendant la joue, le garçon l’embrassa machinalement, puis l’ignora. Gaëlle, qui écoutait leurs pères discuter, toute prête à s’ouvrir à cette nouvelle relation, en conçut une légère amertume qui perdura quelques jours. Une probation durant laquelle François fit comme si elle n’existait pas.

Lui remarquait surtout Vonvon et il était en opposition continuelle avec l’enfant.

Aujourd’hui, c’est vendredi, un jour maigre : le jour du poisson. À cette époque à Plougoumelen, on mange peu de poisson et guère plus de crustacés. En tout cas, jamais d’huîtres. Pourtant il est une journée où, pour le coup, moules, bigorneaux et palourdes vont rassasier tout le monde, c’est le Vendredi saint.

Les femmes ont relevé leurs jupons et les hommes leur bas de pantalon, tout en gardant bien enfoncé leur chapeau sur la tête. Elles portent comme d’habitude leur coiffe blanche, meilleure protectrice contre le soleil. C’est la petite révolution annuelle. On chante, on siffle en ramassant les coquillages. Les enfants eux se courent après. Il fait étonnamment beau.

Il suffit de se baisser pour prendre des palourdes. Les crustacés seront la nourriture de la journée en plein air. Plus du pain et quelques oignons pour rehausser ce goût auquel on n’est pas habitué. Plus encore du cidre pour ôter l’arrière-goût.

François feint de ne pas prêter attention à Madeleine. Elle, elle ne le voit pas, uniquement préoccupée par sa pêche et soucieuse des enfants de Vincent Adilias. L’adolescent lui est indifférent. Peu lui importe s’il triche un peu pour se retrouver plus souvent qu’à son tour dans le champ de ses jambes.

Conscient qu’il avait sévèrement puni François, Vincent Adilias était satisfait. Il comptait que cela lui serve de leçon afin qu’à l’avenir il ne fasse plus de mal à son fils.

Hier, François a réussi à finir son petit cheval ; à chaque entaille dans le bois, il voyait devant lui les yeux verts et le visage plein de taches de son de Madeleine. Depuis déjà pas mal de temps, il lui laissait entendre que bientôt il lui offrirait un merveilleux cadeau… Elle l’écoutait sans rien dire, prêtant peu d’attention à ses propos d’enfant. Son petit cheval, c’était son chef-d’œuvre. Madeleine en le découvrant pousserait des cris de joie. Il prévoyait des embrassades. Il en était sûr, après elle l’aimerait non pas comme un enfant, mais comme un homme. Éternellement… Sa sculpture était un vrai bijou.

Pour mieux capter la confiance de Vonvon, François lui caressait les cheveux, ravalant sa répugnance.

La journée s’annonçait exceptionnelle, elle serait simplement, hélas, unique.

Puis, François donna un petit bisou à Vonvon et lui glissa à l’oreille.

À tout à l’heure, t’oublie pas, je t’attendrai. J’ai plein de choses à te montrer.

Oui, fut la réponse de Vonvon, qui ne pouvait imaginer la duplicité qui se dérobait dans le regard de son nouvel ami.

Sitôt dehors, François eut un mauvais sourire. Il allait voir ce qui l’attendait ce chouchou à tout le monde. Il n’avait que cinq ans, et alors ! Sa décision était ferme : aujourd’hui, il le tuerait. Plus jamais il ne viendrait s’intercaler entre Madeleine et lui.

Le crime d’un enfant est exceptionnel. Cette affaire secoua la Bretagne. François, un enfant comme les autres, mais animé d’une passion d’homme avec la jalousie qui va avec. À Plougoumelen, près de Vannes.

L’enfant assassin, publié chez 3E éditions, au prix de 3,99 euros en e-book et 10 euros en livre broché.

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